De la craie sur nos corps

(Extrait du chapitre 8 – Les effluves d’une vie)

— Juillet 1984, Étretat

etretat

………

Nous nous sommes baignées dans le même trou d’eau de notre adolescence, entre les rochers, comme deux gamines avons revécu les sensations du passé. Je voyais du désir dans ses yeux, de l’envie quand son regard effleurait mon corps arrondi par le temps.

J’aurais aimé me délecter encore du sel sur sa peau. Que j’aurais aimé !

J’aurais adoré la faire jouir, lui montrer de quoi je suis capable.

Mais je sentais que ça n’arriverait pas.

Je n’ai pas cherché à changer le cours de sa vie.

C’est alors qu’elle m’a proposé de revivre un moment qui l’avait tant marquée. Une large fente dans la falaise un peu effondrée, une longue échelle, des marches irrégulières creusées par le temps et des aventuriers qui s’étaient pris pour des oiseaux, des cordes et câbles, d’autres échelles bricolées. Une voie vers le bonheur, une plateforme en haut de la falaise. Une ascension risquée, sensation du vide dans les embruns et le vent.

Elle voulait s’y rendre comme nous le faisions en bravant la nature. Mes parents m’auraient tuée s’ils avaient su ça à l’époque.

À plusieurs reprises, nous nous sommes retrouvées l’une contre l’autre. Sous l’étoffe, je voyais ses seins libres comme ils l’étaient dans sa robe légère à l’époque. Les miens étaient durs et marquaient le tissu. En liberté, tendus, n’attendant que ses mains ou sa langue.

Je voyais ses fesses et sa culotte lors des passages les plus acrobatiques. Je ne voyais plus qu’elle, j’oubliais les risques. J’oubliais ma vie.

Plusieurs fois de ma main j’ai effacé des traces de craie sur sa peau. J’avais envie d’aller plus loin et de la caresser, d’écrire sur elle avec un stylo-baisers.

Arrivées en haut, nous étions comme deux oiseaux blancs à regarder la mer. Laurine s’est assise dans les hautes herbes sauvages. Elle m’a regardée en silence. Un long silence qui en dit tant.

Nous étions entourées de goélands postés sur les corniches et dans les interstices de la falaise de craie dont le blanc pur nous éblouissait.

Elle a entretenu le silence en posant ses lèvres douces sur les miennes. J’ai senti sa langue chaude visiter ma bouche et elle a fait glisser les bretelles de sa robe blanche tout en enfonçant sa main entre mes cuisses.

Elle m’offrait ses seins. Mon corps se liquéfiait.

— Tu te souviens des cris des goélands qui s’envolaient de la falaise avec les nôtres ? m’a-t-elle demandé en me dénudant.

— Oui Laurine. Je les entends encore.

— Alors faisons-les plonger vers la mer…

Nue, elle s’est allongée, j’ai léché le sel sur tout son corps, et ses cris se sont posés sur les oiseaux pour un vol fou, une nuée d’interdits.

Seins contre seins, fleur contre fleur, bras et jambes écartés, mains dans les mains, comme deux étoiles de mer collées par le désir, nous nous sommes longuement embrassées.

Un des plus beaux baisers de ma vie.

……..


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